Le 15 avril 2023 marque la fermeture définitive des dernières centrales nucléaires en Allemagne, mettant fin à 60 ans d’histoire et de coopération franco-allemande dans le domaine de l’énergie nucléaire. Cette décision intervient en pleine transition vers une énergie plus verte et face à une crise énergétique causée par la guerre en Ukraine. L’énergie nucléaire en Allemagne remonte à 1961 avec la centrale expérimentale de Kahl.
Après la catastrophe de Fukushima en 2011, l'ancienne chancelière Angela Merkel avait annoncé un plan de fermeture des réacteurs nucléaires d'ici 2022, finalement reporté à avril 2023 en raison de la réduction de l'approvisionnement en gaz russe et de la crise énergétique européenne.
Les derniers réacteurs représentaient entre 3 et 7 % de la demande d’électricité du pays. RWE, une société d’énergie, a confirmé la déconnexion des réacteurs du réseau électrique.
Le débat public en Allemagne sur l’énergie nucléaire divise les libéraux, conservateurs, écologistes et socialistes. Ricarda Lang, cheffe du parti écologiste, voit la sortie du nucléaire comme une avancée vers un approvisionnement énergétique sûr et propre. Les libéraux et conservateurs soulignent l’importance du nucléaire pour la sécurité énergétique et la lutte contre le charbon, tandis que les sociaux-démocrates estiment que l’approvisionnement énergétique est assuré même après la fermeture des centrales.
L’opinion publique allemande est partagée, avec 52 % des personnes interrogées soutenant une prolongation de la durée de vie des centrales, tandis que 37 % s’y opposent. Des manifestations antinucléaires ont eu lieu dans plusieurs villes allemandes pour célébrer la fermeture des réacteurs, notamment à la porte de Brandebourg à Berlin, où Greenpeace a organisé une fête symbolique.
La sortie du nucléaire en Allemagne a également eu un impact sur la relation franco-allemande. Les deux pays ont longtemps coopéré sur le nucléaire, notamment sur le développement du réacteur pressurisé européen (EPR). Cependant, depuis la décision de l’Allemagne de sortir rapidement du nucléaire après Fukushima, la coopération a diminué et les tensions sont apparues entre les deux nations.
Le gouvernement allemand a pour objectif de produire 80 % de l’énergie à partir de sources renouvelables d’ici 2030. Le chancelier Olaf Scholz a demandé l’installation de quatre à cinq éoliennes par jour pour atteindre cet objectif, malgré les défis que cela représente. Cependant, les progrès actuels dans le domaine des énergies renouvelables pourraient ne pas être suffisants pour que l’Allemagne atteigne ses objectifs climatiques.
Simon Mueller, du groupe de réflexion Agora Energiewende, a déclaré que l'Allemagne n'a pas assez progressé dans l'expansion des énergies renouvelables ces dix dernières années et doit désormais redoubler d'efforts. Face à cette situation, l'Allemagne a réactivé certaines de ses centrales à charbon pour compenser le manque de gaz et la fermeture des centrales nucléaires, ce qui a conduit à des appels pour retarder la sortie du nucléaire.
Le ministre de l’économie, Robert Habeck, a toutefois affirmé que le gouvernement avait la situation énergétique sous contrôle et que les réacteurs seraient démantelés. La ministre de l’environnement, Steffi Lemke, a quant à elle déclaré que les risques de l’énergie nucléaire étaient ingérables et que la transition vers les énergies renouvelables était nécessaire.
Cette fermeture des dernières centrales nucléaires allemandes représente un tournant historique et énergétique pour le pays. Alors que d’autres pays occidentaux misent sur l’énergie nucléaire pour réduire leurs émissions, l’Allemagne a choisi de mettre fin à cette époque et de se tourner résolument vers les énergies renouvelables. L’avenir énergétique du pays dépend désormais de sa capacité à accélérer le développement et la mise en œuvre de ces nouvelles sources d’énergie, tout en faisant face aux défis économiques et environnementaux qui en découlent.
Source : Euractiv